Petit éloge du mouton

Qui, de l’homme ou du mouton, a domestiqué l’autre ? la question mérite d’être posée. Peut-être que, sans lui, nous serions encore des chasseurs à l’affut du sauvage, craignant la disette et le gros temps. Comme un parent bienveillant, le mouton nous a nourris, habillés de sa laine. Pour lui, notre pastoralisme a réduit un peu plus chaque année l’étendue de son errance, il nous a rendus saisonniers, transhumants, sédentaires. Impossible de parcourir l’histoire de l’humanité sans apercevoir quelque part, dans notre mémoire et dans les méandres de notre patrimoine affectif, une pelote de laine tranquillement tricotée par le cliquetis rassurant des aiguilles. D’où que l’on se tourne, le mouton est là, placide, occupé à brouter comme si le reste du monde était suspendu à sa mastication. Non, le mouton ne nous est pas étranger, il fait partie de la famille proche, intime.
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Les nuages ne sont pas tous dans le ciel. Certains moutonnent librement dans l’herbe fraîche du printemps. Ces stratocumulus des trèfles et des pommiers sont bien plantés, les quatre sabots dans la terre nourricière. S’ils lèvent parfois la tête, c’est pour s’assurer, d’un regard, que les autres bures blanches ne sont pas loin ou qu’elles n’ont pas trouvé herbe plus verte. Autant que les nuages, les moutons nous sont familiers, bien que nos vies urbanisées rendent difficile le contact avec leur douce toison. Ils peuplent les nuits de l’insomniaque qui compte, l’imaginaire des enfants, les souvenirs des anciens. Comme l’ours ou le loup, le mouton habite nos fables, il prend le rôle du doux, du gentil mais aussi du grégaire malgré lui, un peu naïf, toujours inoffensif.